[Sommaire]


BULLETIN D'INFORMATION
N°24 DU 29 JUIN 1993

Au sommaire

  • En guise de bilan (p. 1)

  • Faire-part (p. 3)

  • Bourses et prix 1993 (p.3)

  • A propos de la communication électronique (p. 4)

  • Point de vue : le niveau baisse ? (p.6)

  • Comment devenir Maître de Conférence à l'Université (p.7)

  • J'ai fait une thèse de doctorat à Heidelberg (p.8)

  • Post-scriptum (p.9)

  • Qualification aux fonctions de MCF de l'année 1992 (p.11)

    En guise de bilan

    Etudiants et Recherche a plus de six ans d'âge, mais comme cela avait été évoqué dans le Bulletin n°22, son avenir s'assombrit.

    Le renouvellement de ses membres actifs n'a toujours pas eu lieu et force est de constater que le militantisme au sein du troisième cycle n'est pas plus dans l'air du temps que dans d'autres domaines. Dommage ! Le fait de ne pas être la seule structure à avoir ce problème ne nous console guère.

    Aussi avant que notre activité ne s'arrête définitivement, faute de combattants, mais malheureusement pas faute d'idées ou de problèmes à traiter, je vais me risquer à quelques considérations générales sur la situation du troisième cycle et son évolution (ou moins la façon dont nous la percevons empiriquement) depuis ces six dernières années. Je vais pour cela prendre comme repères les principaux points qu'Etudiants et Recherche a mis en lumière et a cherché à faire progresser, par son action.

    Tout d'abord, le nombre d'allocations de recherche a bel et bien doublé depuis cinq ans. Son montant a lui aussi été réévalué. On peut donc estimer que cinq mille thésards environ ont un financement public pour au moins deux ans leur permettant de faire leur thèse dans des conditions décentes, c'est-à-dire sans être obligés de travailler par ailleurs pour subvenir à leurs besoins matériels de base. Le thésard allocataire ne fait pas fortune, mais il peut se loger, manger, se soigner et s'habiller. Par les temps qui courent, on finit par trouver cela bien !

    Néanmoins, le nombre de thésards augmentant lui aussi, nous pouvons estimer que la proportion de gens qui n'ont pas de financement correct (au sens d'un montant de l'ordre de 7000 F bruts par mois durant au moins deux ans, comme l'allocation de recherche) est sans doute stable et que donc le nombre absolu de thésards sans financement est encore plus grand qu'auparavant.

    Côté droits sociaux, là aussi, le prolongation du droit à la sécurité sociale étudiante pour les thésards ayant commencé avant 26 ans, jusqu'à 30 ans au plus, est une bonne avancée. Elle est d'ailleurs à mettre au crédit de l'Association. Par ailleurs, les laboratoires d'accueil ont été incités à se préoccuper de la couverture en terme d'assurance civile des personnes travaillant en leur sein.

    A contrario, rien de nouveau pour la couverture sociale des plus de 30 ans, ou ceux ayant commencé leur thèse après 26 ans ; impossibilité de plus en plus fréquente d'obtenir des allocations chômage en fin d'allocation de recherche (malgré parfois les cotisations payées durant deux ou trois ans) ; rien de bien tangible, ou du moins d'automatique du côté de la prise en compte de ces années de doctorat dans le calcul des retraites ou de l'ancienneté (pour les emplois dans la recherche et l'enseignement supérieur) ; rien de nouveau enfin dans la reconnaissance des droits liés à l'accueil en crèche ou à la restauration sur le lieu de travail.

    La revendication, maintes fois formulées par l'Association, sur le prolongation du report d'incorporation sous les drapeaux à 27 ans comme les médecins, pharmaciens, vétérinaires ou dentistes a été à chaque fois rejetée. Aucun espoir non plus de ce côté-là. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir demandé.

    Sur des questions à caractère plus scientifique, le bilan est encore plus rapide. La DRED a certes créé la prime d'encadrement doctoral pour inciter certains chercheurs à s'impliquer dans l'encadrement des thésards. Mais le bilan sur le terrain est sensiblement le même : chaque thésard est un cas et il doit composer avec son encadrement (ou son non-encadrement), son environnement de travail et les moyens dont il dispose (ou pas) pour mener à bien son travail.

    Aucune règle générale ne peut être établie et il nous semble que les problèmes de locaux (avoir un bureau), de disponibilité des encadrants, de moyens matériels, etc. sont surtout liés au fonctionnement général des laboratoires. Si le labo est riche, alors le thésard finit par récupérer une partie de ces richesses ; au contraire, il sera le dernier considéré en cas de vaches maigres.

    Plus généralement, la participation du thésard à la vie du laboratoire (conseil du labo, prise en compte du thésard comme membre à part entière du labo) relève de la bonne volonté du directeur. Là encore, l'inertie du milieu est grande et aucun cadre législatif ou administratif n'a été élaboré pour définir un cadre minimal. Quelques idées de charte ont été lancées localement. Rien n'a été envisagé à l'échelle nationale, avec incitation des tutelles à suivre de telles directives.

    De même, les conflits entre thésards et directeurs de thèse sont toujours aussi présents. Il suffit de voir le nombre régulier de personnes qui viennent nous voir, quand elles sont en difficulté (le directeur de thèse ou de laboratoire peut refuser la soutenance, vouloir expulser le doctorant du laboratoire, s'approprier une partie des travaux du thésard).

    L'idée d'un parrain, qui pourrait servir de recours en cas de différent, soutenue par l'Association, n'a pas été retenue. Encore une fois sans doute pour ne pas froisser “le milieu”.

    Bref, les pratiques quotidiennes au sein des laboratoires sont demeurées les mêmes : absence de statut du thésard, et donc absence de droit et de recours en cas de conflit. Le thésard reste la cinquième roue du carrosse. Il lui reste à espérer que ce carrosse est riche et en bonne santé, pour en tirer quelques bénéfices.

    Côté débouchés après la thèse, l'augmentation des postes dans les EPST, comme le CNRS, n'a pas permis de suivre le nombre grandissant des flux annuels de docteurs et de résorber les files d'attente des générations précédentes. Comme le choix d'une embauche plus jeune qu'auparavant (non critiquable sur le principe, bien au contraire !) conduit à choisir des candidats jeunes, on assiste à un phénomène de génération sacrifiée, dont on oublie pudiquement l'existence. Ainsi les docteurs qui ont dû faire une thèse assez longue et/ou qui ont attendu plusieurs années avant d'avoir un dossier “compétitif”, se trouvent-ils exclus quasiment définitivement du circuit, au profit de candidats plus jeunes. La suppression de la barrière des trois candidatures, par l'abaissement progressif à 31 ans de la limite d'âge à candidater comme chargé de recherches, n'aura pas eu que des effets positifs pour une génération de candidats.

    Côté universités, la création des monitorats a eu pour principal effet de donner de l'argent en plus à ceux qui en avaient déjà, à savoir les allocataires. Sinon cela donne simplement droit quasi automatiquement à devenir ATER, c'est-à-dire à passer par ce qui est devenu le nouveau corps des anciens assistants. Mais il faut souligner l'aspect très précaire et provisoire de ces ATER. Bref, le parcours pour devenir maître de conférences est toujours aussi laborieux dans bien des domaines. De plus, le CNU (Conseil National des Universités) qualifie (ou pas) désormais a priori les candidats sur des critères peu clairs et transparents, d'une manière bien souvent arbitraire. L'effort consenti il y a 10 ans pour normaliser la situation n'est-il pas en train d'être remis en cause, faute de moyens budgétaires ?

    Enfin, côté monde industriel, il faut noter au chapitre positif que les différences de salaires à l'embauche entre un docteur et un ingénieur ont sensiblement diminué. Mais, la conjoncture économique aidant, l'emploi de docteurs dans l'industrie n'a apparemment pas fait de saut quantitatif. Les entreprises françaises ne semblent pas plus pressées d'investir dans la recherche ou même dans des gens formées par et à la recherche.

    Il suffit pour cela de se référer aux chiffres de l'association Bernard Grégory. Ils montrent que le nombre de docteurs qui restent sans emploi ne fait que grandir de manière préoccupante.

    De plus, les différences de considération entre un universitaire docteur, un médecin docteur ou un ingénieur docteur sont loin d'être effacées.

    Tout ceci amène donc à reposer très clairement la question du pourquoi de la formation doctorale ? Il nous semble clair que le doublement voulu du nombre de thèses soutenues par an est tout à fait volontariste par rapport au nombre d'emplois accessibles à ce niveau de qualification. Il n'est qu'à observer la grande difficulté avec laquelle nombre des membres de l'Association cherche un emploi actuellement.

    Alors est-il sacrilège de poser la question crûment: est-ce socialement et humainement souhaitable de former de plus en plus de gens jusqu'à Bac+8 pour qu'ils se retrouvent chômeurs, parfois de longue durée, sans ressources autre que le RMI ? L'adéquation entre les formations disciplinaires et les marchés de l'emploi ne peut pas être éternellement occultée.

    Outre le gâchis intellectuel que cette situation représente pour la collectivité, cela a un coût financier, mais aussi un coût humain. La thèse n'est pas vraiment une partie de plaisir dans une majorité de cas. Aussi on ne soupçonne pas le désarroi dans lequel peuvent se trouver des gens qui, non seulement ont sacrifié une partie de leur belle jeunesse sur l'autel de la science, au détriment parfois de leur épanouissement personnel, mais qui de plus se retrouvent sans avenir professionnel, alors qu'ils ont franchi toutes les étapes de formation et de sélection.

    Il y a une question de fond qui mériterait d'être considérée autrement qu'en termes de flux annuels. Derrière les chiffres, il y a aussi des individus.

    Le problème connexe de l'information et de la connaissance du milieu a certes fait des progrès. La constitution de la DRED a permis pour les instances dirigeantes de mieux connaître globalement la situation des formations doctorales. Ainsi les “rapports bleus” de la DRED sont des documents particulièrement intéressants et chiffrés.

    Mais l'aspect humain des questions n'a pas été ou n'a pas pu être pris en compte dans cette évaluation et l'individu se trouve toujours aussi désemparé, quand il cherche une information, un conseil, une aide scientifique ou un soutien en cas de conflit.

    La mise en place des Ecoles Doctorales est une des réponses apportées à cela. Elles sont trop récentes pour porter un jugement définitif. Espérons qu'elles prennent en compte cet aspect des choses et ne cherchent pas juste à reproduire un cadre technocratique, voire qu'elles n'accroissent pas les difficultés.

    L'Association a eu depuis plus de deux ans la volonté de rédiger un guide de l'étudiant-chercheur, qui regrouperait les informations et conseils, afin de lui faciliter la vie dans ce rude parcours du combattant. Malheureusement nous n'avons pas eu les moyens humains de mener à bien la rédaction de ce guide, dont pourtant nous pensons posséder la matière et sommes persuadés de l'intérêt.

    Voilà donc à grands coups de pinceaux un rapide portrait de notre vision de la situation des formations doctorales aujourd'hui. Ce bilan n'est pas des plus roses. Le manque de mobilisation, voire même de sensibilisation, des principaux intéressés est un danger de plus.

    Il est fort peu probable que la situation actuelle du pays fasse en sorte que subitement des moyens nouveaux puissent être trouvés pour continuer, ne serait-ce que financièrement, les efforts louables certes, mais insuffisants de ces dernières années.

    Plus grave, car insidieuse, est l'apparition de plus en plus sensible dans les discours officiels du thésard à deux vitesses :

    - le “bon thésard”, a priori bon chercheur à qui on donne une allocation et un monitorat, qui aura plus de moyens pour publier et faire une thèse rapidement et qui donc aura constitué un solide dossier par rapport aux critères en vigueur ;

    - le “thésard oublié” qui sans financement et/ou sans encadrement et/ou sans moyens (certains les accumulent !), et donc a priori mauvais chercheur, aura plus de difficultés pour finir sa thèse, la finira plus vieux avec un dossier moins valorisant.

    Comment alors en fin de parcours ces deux docteurs peuvent-ils avoir autant de chances d'accéder à un poste de chercheur ou d'enseignant ?

    Il nous était apparu important il y a six ans de faire entendre une voix nouvelle sur des problèmes que les usages universitaires s'habituaient fort bien à enterrer. Je crois qu'aujourd'hui les difficultés ne sont pas moindres et que leurs prises en compte n'est pas moins indispensable.

    Joël Marchand








    Faire-part

    Nous sommes au regret de vous faire-part de la cessation d'activité de Prométhée-Aquitaine.

    Cette association d'étudiants-chercheurs bordelais essayait depuis deux ans de travailler dans des directions fort semblables à celles d'Etudiants et Recherche.

    Malheureusement, faute de combattants et de personnes intéressées, les deux fondatrices sont dans l'obligation de mettre fin à cette louable expérience.

    Christine Chivallon et Julie Cavignac



    Bourses et prix 1993

    Chancellerie des Universités de Paris

    28 avril 1993

    Etudiants de troisième cycle,

    La Chancellerie des Universités de Paris décerne chaque année treize bourses et dix prix, à des étudiants inscrits ou ayant soutenu une thèse, ou effectué une recherche, dans une Université de la région Ile-de-France (Académies de Paris, Créteil et Versailles), à l'école des Hautes Etudes en Sciences Sociales, à l'Institut d'Etudes politiques, à l'Institut National des Langues et Civilisations Orientales ou au Muséum National d'Histoire Naturelle.

    Les bourses, d'un montant de 80 000 F, chacune, destinées à soutenir un projet d'études, niveau 3ème cycle, d'étudiants français ou de toutes nationalités, selon les bourses, inscrits dans un des établissements d'enseignement supérieur de la région Ile-de-France précités, sont attribuées dans les disciplines suivantes :

    Droit et sciences politiques :

    Bourse "Louis Forest-Lew, Marie et Jeanne Rubinstein" (1)

    Bourse "Aguirre-Basualdo" (2)

    Bourse "André Isoré" (2)

    Sciences économiques et de gestion :

    Bourse "Louis Forest" (1)

    Bourse "Aguirre-Basualdo" (2)

    Médecine :

    Bourse "Louis Forest - Siguret Mansuy" (1)

    Bourse "Aguirre-Basualdo" (2)

    Sciences :

    Bourse "Jean Schneider - Louis Forest " (1)

    Bourse "Aguirre-Basualdo" (2)

    Lettres et sciences humaines :

    Bourse "Jean Schneider - Louis Forest " (1)

    Bourse "Aguirre-Basualdo" (2)

    Pharmacie :

    Bourse "Louis Forest - Georges Canat " (1)

    Bourse "Aguirre-Basualdo" (2)

    Les prix sont attribués dans le cadre des disciplines désignées ci-après :

    Droit et sciences politiques :

    Prix Maurice Picard de 14 000 F

    Droit Privé :

    Prix André Isoré de 50 000 F

    Sciences économiques et de gestion :

    Prix Gaëtan Pirou de 25 000 F

    Sciences :

    Prix Nathalie Demassieux de 18 000 F

    Prix Marie-Louise Arconati-Visconti de 18 000 F

    Prix Eugénie de Rosemont de 20 000 F

    Lettres et sciences humaines :

    Prix John Jaffé de 20 000 F

    Prix Marie-Louise Arconati-Visconti de 18 000 F

    Médecine :

    Prix Pierre Robin de 50 000 F

    Prix Gustave Roussy de 60 000 F

    Huit de ces prix consacrent une thèse de doctorat (le prix "André Isoré" est destiné à une thèse de droit privé "représentant la meilleure somme de travail", le prix "Gustave Roussy” récompense un travail de recherche sur le cancer réalisé dans un laboratoire ou service dépendant d'un des établissements précités et le prix "Eugénie de Rosemont" est destiné "au savant qui par ses inventions, aura rendu service à la science").

    Les dossiers de candidature pour l'obtention de ces aides et distinctions doivent être déposés auprès des Présidents qui transmettent à la Chancellerie des Universités de Paris, deux candidats maximum par bourse ou par prix.

    Pour tous renseignements concernant les dates de réception des dossiers et les modalités d'attribution, s'adresser aux secrétariats des Universités ou Etablissements.

    (1) Etudiants français, condition impérative imposée par les disciplines testamentaires

    (2) Sans condition de nationalité




    A propos
    de la communication électronique

    Les outils de communication évoluent avec le temps. Le téléphone est devenu grand public, la télécopie (ou fax) a réussi en cinq ans environ à être commune dans toutes les entités du monde du travail. Pour continuer cette évolution, je voudrais évoquer ici un nouvel outil qui est à la fois encore plus sophistiqué (technologiquement parlant) et encore plus particulier, car il ne touche principalement que le monde de la recherche. Il s'agit du courrier électronique (ou e-mail).

    La communauté de recherche en informatique fut sans doute une des premières à utiliser et promouvoir cet outil nouveau d'envoi et de réception de messages il y a quelques dizaines d'années. L'idée qu'un ordinateur puisse servir de boîtes aux lettres et de facteur, et que l'on puisse élaborer un système de poste (au sens commun du terme) n'est pas proprement révolutionnaire. Après tout, un ordinateur passe pas mal de son temps à envoyer des messages selon des protocoles à des adresses données pour son fonctionnement interne. Quoi de plus naturel que d'étendre l'idée aux messages humains.

    Je ne vais donc pas faire un exposé technique sur le fonctionnement proprement dit. Je me contenterai juste de donner quelques éléments pour cadrer la situation actuelle.

    Tout chercheur possède aujourd'hui une adresse postale, bien souvent un numéro de téléphone, assez fréquemment un numéro de télécopie, et de plus en plus souvent une adresse électronique. Cela fait partie désormais des coordonnées figurant par exemple sur les cartes de visite ou sur les en-têtes des publications.

    Le nombre d'ordinateurs à travers le monde accessibles par ce biais a largement dépassé le million et il est devenu quasi impossible de les dénombrer. Comme la poste traditionnelle, une organisation mondiale a été mise en place, permettant de nommer de manière univoque tel individu ayant accès à tel ordinateur se trouvant sur tel campus dans tel pays. Par exemple :

    marchand@ariana.polytechnique.fr

    se comprend comme étant l'adresse de l'utilisateur marchand sur la machine ariana du site de Polytechnique en France.

    Cette dénomination peut varier, au sens où il existe trois grands réseaux de poste électronique (Bitnet, le plus ancien en voie de disparition, Internet, le plus répandu, et X400, celui de l'avenir encore peu répandu). Néanmoins, dans un réseau donné, on voit qu'on peut nommer par une simple chaîne de caractères son correspondant.

    Quant à la vitesse de transmission, pour une large partie des campus reliés “au reste du monde” (expression consacrée désignant la structure de graphe des réseaux de communications internationaux), il est désormais usuel qu'un message soit transféré en quelques minutes, voire quelques secondes, de l'ordinateur de départ à celui d'arrivée, même si plusieurs milliers de kilomètres les séparent.

    Côté facturation, la tendance est “au volume”. Pour les grands sites hébergeant de nombreux chercheurs, les lignes de communication sont dites spécialisées, c'est-à-dire qu'elles ne sont utilisées que par ces organismes. Cela permet de faire passer autant de messages que voulu pour un prix constant, à savoir la location forfaitaire de la ligne, l'investissement dans les équipements informatiques nécessaires... et le coût de la main d'oeuvre pour faire fonctionner tout cela. Par exemple, l'Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm évalue à 1,20 F tout compris la réception ou l'envoi d'un message en moyenne (indépendamment de sa taille et de l'adresse de l'autre correspondant). Comparez avec trois minutes de téléphone sur New-York !

    Depuis cinq ans environ, on est passé de quelques milliers de machines à plus d'un million et rares sont désormais les campus scientifiques “occidentaux” ne possédant pas un tel service. Par ailleurs, un simple PC ou Macintosh avec des outils conviviaux permettent désormais d'émettre et de recevoir du courrier électronique.

    Grâce à ses rapides évolutions, il est désormais normal de considérer que tout chercheur peut et même a le droit d'utiliser ce nouvel outil. Dans de nombreuses communautés (informatique, mathématique, physique,...), il est devenu inconcevable qu'un collègue vous réponde “le courrier électronique, c'est quoi ? ” ou “je n'ai pas d'adresse électronique”.

    On peut énumérer quelques points caractéristiques de cet outil, par rapport aux autres (lettre, téléphone, télécopie) :

    - aspect asynchrone : comme la lettre, le message est stocké et est lu, quand le destinataire le souhaite. Fini le syndrome du téléphone qui dérange continuellement ou du correspondant jamais présent au bout de son combiné !

    - le fait de devoir écrire son texte oblige implicitement à la précision et à la concision dans l'expression de son message. L'émetteur dit ce qu'il a à dire, et pas forcément les derniers potins de la semaine, comme d'aucuns le font par téléphone.

    - cet aspect écrit rend la valeur et surtout la persistance du message plus grandes. Un message peut être stocké et donc relu, pour traitement et relecture ultérieurs.

    - le fait que le message soit “en ligne” comme disent les informaticiens, c'est-à-dire stocké sur l'ordinateur permet de traiter les données contenues par d'autres logiciels. Exemple type : la transmission de données numériques par ce biais évite une nouvelle saisie par le destinataire, s'il veut les traiter informatiquement. Fini la double-saisie par la télécopie !

    Autre exemple : la rédaction en commun de textes scientifiques. A tour de rôle, chacun s'envoie le fichier du texte en cours et chacun y apporte ses modifications.

    - côté fiabilité enfin, de grands progrès ont été faits et le taux de perte doit être du même ordre de grandeur que celui de notre poste traditionnelle, avec bien souvent également un retour à l'envoyeur en cas de non-délivrance du message.

    Ceci fait qu'un nombre grandissant de chercheurs tendent à concentrer le maximum de leur communication par ce biais. Certains n'utilisent quasiment pas la télécopie, et ne font usage de leur téléphone que pour leurs interlocuteurs non reliés au courrier électronique ou lorsqu' il s'agit d'une réelle discussion nécessitant de multiples prises de parole dans un court délai.

    Cela permet aussi en interne de s'affranchir du syndrome “Post-it” ou du téléphone, quand les couloirs sont trop grands.

    Nombreux sont donc les gens qui aujourd'hui considèrent qu'il s'agit de l'outil de communication numéro 1, et qui comme le téléphone à son domicile considère cette fonctionnalité comme naturelle.

    Ainsi en cas de panne (cela arrive encore !), l'ennui suscité peut être grand et la réaction des utilisateurs légitimement vive !

    Il est intéressant alors d'observer, d'un point de vue sociologique, les nouveaux comportements qui se créent au sein de ces millions d'individus reliés entre eux par ce nouveau média. Il serait aussi très intéressant de comparer le contenu des messages électroniques avec celui des messages téléphoniques correspondants. On retrouve là la différence entre l'écrit et l'oral.

    On doit en effet reconnaître que ce média modifie la communication entre les individus. Parfois d'une façon surprenante, voire inquiétante : ainsi voit-on des collègues distants de trois bureaux s'envoyer des messages au lieu de se parler, afin de garder trace informatique de l'information ainsi véhiculée.

    La convivialité, mais aussi l'intérêt humain et scientifique des conversations “de couloir” sont alors mis à mal ! Comme avec le téléphone face au courrier papier ou à la rencontre directe, chacun est amené à trouver un nouvel équilibre dans sa façon de communiquer avec autrui, suivant l'interlocuteur, le lieu, le moment, le caractère de l'échange, etc.

    Plus en rapport avec l'activité des thésards, je considère pourtant que c'est un moyen tout à fait puissant de communication scientifique, et donc d'encadrement ou de collaboration pour un jeune chercheur. Il peut par ce biais interagir avec de nombreux collègues, sans souci de déplacements, de frais de mission ou de téléphone, mais aussi de hiérarchie. En effet, l'aspect confidentiel et nominal des messages permet en général un contact plus direct et plus simple entre des personnes qui ne se connaissent pas et qui ne se jaugent pas par leur aspect ou leur position sociale.

    Enfin, je concluerai ce rapide panorama par l'indication qu'il existe sur les réseaux de communication utilisés pour transmettre ces messages de nombreux autres services, qui à leur tour entrent dans le domaine du “commun” :

  • transfert en temps réel de fichiers (et non plus par inclusion dans un message)

  • connexion sur un ordinateur distant permettant d'y travailler comme s'il était sur votre bureau

  • systèmes de consultation documentaire en tous genres : par exemple, les grandes bibliothèques scientifiques rendent consultable par le réseau leur catalogue de manière interactive et gratuite.

    Je ne pense pas abuser du terme en qualifiant d'implosion le nombre d'informations qui sont désormais accessibles depuis son clavier sur son bureau. Elles sont encore trop peu connues et donc trop peu utilisées. Leur impact en terme d'aide à la production scientifique est encore faible. Il devrait aller en grandissant.

    De même, je suis convaincu que les domaines scientifiques, où l'usage de l'ordinateur a été ou est encore bien souvent réduit à celui d'un traitement de textes, vont rapidement franchir le pas de cette communication électronique. La mise en place de bonnes infrastructures au niveau national et des campus, la baisse des coûts pour l'utilisateur final, la convivialité et la rapidité des outils mis à sa disposition, vont contribuer à inciter de nombreuses personnes à faire le pas. Le monde des entreprises d'ailleurs ne s'y trompe pas. De grands groupes industriels d'abord à caractère parapublic (EDF, CGE, CNES, ...) ou informatique (Bull), et d'autres maintenant, s'y mettent.

    Voilà j'espère vous avoir ouvert les yeux sur les potentialités de ces nouveaux outils et reste à votre disposition si vous souhaitez en savoir plus.

    Joël Marchand



    Point de vue : le niveau baisse ?

    Notre Association s'est consacrée principalement à défendre les intérêts généraux, et parfois particuliers (lorsque nous avions des élus aux CS de Paris 6 & 7), des étudiants de troisième cycle. Il se trouve qu'en 1993, mon propre laboratoire a expulsé deux étudiants en thèse, et que je n'ai pas pour autant alerté l'Association. Que s'est-il donc passé ?

    Les deux directeurs d'équipes qui ont recouru à cette mesure, un an environ chacun après avoir accueilli son thésard (financé), l'ont fait pour la première fois dans leur carrière. Je les connais pour être des patrons raisonnables, qui n'ont pas l'habitude de donner des sujets impossibles, ni de laisser les étudiants en plan. Les échos que j'ai eus des deux thésards au cours de leur séjour au laboratoire m'amènent à diagnostiquer une très réelle insuffisance de leur part (qu'ils ont cherché à cacher...), alors que l'un sortait d'un DEA parisien sérieux (de mon temps ?), et que l'autre était doté de deux DEA, l'un avec mention AB, le second avec mention B ! Ces deux exemples suggèrent qu'il y a quelque chose de pourri dans le royaume du troisième cycle. J'avais auparavant constaté que certains stagiaires de DEA étaient catastrophiques, qu'ils s'y étaient fourvoyés, ce que confirmait l'échec à l'examen final. Le sentiment net que j'ai à présent est que des DEA sont prêts à fermer les yeux sur le niveau clairement insuffisant de certains étudiants, pour que la formation continue d'exister. De même, je sais par des membres de commissions que certaines thèses ont été écrites, en tout ou en partie, par les encadrants, et que d'autres sont à la limite du plagiat. Il y a toujours, à côté de cela, d'excellents étudiants que généralement les enseignants de DEA font tout pour attirer dans leurs propres laboratoires. Je connais des professeurs qui cherchent à enseigner en DEA pour cette seule raison : "capturer" de bons thésards. A la relative rareté des étudiants de troisième cycle, s'ajoute désormais pour les directeurs de laboratoires la difficulté d'en trouver "des bons".

    Mes observations valent pour la physique, et proviennent d'un certain nombre de conversations de bistrots (presque toujours parisiens) au sein du "peuple phy". Le sentiment croissant est que le niveau des diplômés d'études approfondies (comme celui des bacheliers, dira-t-on, "ô temps, ô moeurs !") est terriblement inégal, et que le niveau des thèses va suivre. (A noter incidemment qu'à Paris 6 une commission définit actuellement des critères pour que les mentions "honorable" et autres pour les doctorats aient un sens réel.) Dans les autres domaines mes informations sont très lacunaires. De la chimie je ne sais rien. En maths, j'ai le sentiment que cela ressemble à la physique, avec des étudiants extrêmement motivés côtoyant d'autres qu'on pousse à bout de bras. En biologie je crois que le niveau est meilleur et bien plus homogène. Est-ce dû au fait que les classes préparatoires pompent beaucoup moins de biologistes que de physico-chimico-mathématiciens ? Ou est-ce le fait de la plus grande médiatisation des sciences biologiques, en y incluant les applications médicales ? Quant aux sciences humaines, bien que ce soit un ensemble indéfini (et peut-être infini) de microcosmes qui ruine toute prétention à l'exhaustivité, je dirais sur la base de ma propre expérience que l'on y rencontre bien moins de mauvais cas qu'en physique, même si l'on m'y a cité plus d'un exemple ! Il est vrai que dans ces matières il faut une solide passion pour suivre un chemin dont on distingue mal le terme...

    Eric Bringuier

    Post-scriptum (03/06/93) : Lors des trois dernières semaines, passées aux Etats-Unis, j'ai recueilli des réflexions assez semblables aux miennes sans même avoir abordé le sujet. On me dit que les étudiants américains désertent les études scientifiques pour celles de business, plus lucratives donc plus respectables. Du coup les études de sciences apparaissent out of fashion, et le mouvement est amplifié. La proportion d'étudiants étrangers en Ph. D. scientifiques dépasserait souvent les 60 %. Il y en a d'excellents et d'autres à qui on tient la tête hors de l'eau ("à qui on donne des A en Master mais qui ne devraient pas entamer de Ph. D.") ; la même remarque vaut pour la minorité américaine.



    Comment devenir Maître de Conférence à l'Université

    Toute personne titulaire d'un doctorat, non nécessairement de nationalité française, peut devenir Maître de Conférence. La procédure correspondante se décompose en deux étapes successives : une qualification réalisée au niveau national et indispensable pour candidater ensuite localement, université par université, sur des postes de Maître de Conférence. Les principales caractéristiques de ces deux étapes sont présentées ci-après, avec l'indication des délais associés pour l'année universitaire 1992-1993.

    * Qualifications [arrêté du 19 août 1992, publié au journal officiel du 10 septembre]. Une commission nationale, le conseil national des Universités (CNU) organisé en sections correspondant aux disciplines, statue sur dossier. Tout candidat à la qualification doit préparer deux dossiers :

    - Le premier, destiné à un rectorat, contient des documents d'ordre administratif à remettre avant la fin d'octobre. Il n'est pas obligatoire d'avoir déjà soutenu sa thèse à ce stade. Les formulaires peuvent être retirés au service du personnel enseignant dans les universités ; ils incluent la liste des sections du CNU parmi lesquels il faut choisir une section de rattachement. Précisons qu'il est conseillé de postuler sur plusieurs sections aux candidats dont le thème de recherche peut correspondre à plusieurs domaines (la qualification attribuée dans une section autorisant à se présenter sur des postes en toute section).

    - Le second dossier doit être adressé à un rapporteur qui est un des membres de la commission de la section choisie. Ses coordonnées sont communiquées au candidat par courrier et le dossier doit lui être envoyé dans les cinq jours suivant la réception de son adresse (vers fin janvier). Le dossier se compose essentiellement d'un curriculum vitæ détaillé accompagné d'au plus trois documents (généralement la thèse et deux publications ou communications). Il ne faut pas oublier d'y adjoindre les rapports de thèse et il est conseillé d'ajouter des attestations relatives aux activités de recherche et d'enseignement.

    Ensuite, vers la mi-mars, les résultats de la sélection sont communiqués par courrier. Le même jour, ils paraissent sur minitel (3615 Edutelplus, code DPES) classés par section ou ordre alphabétique (pour les candidats qualifiés). La qualification est valable durant quatre années. En cas d'échec, il est possible d'obtenir communication du rapport et après deux échecs successifs, d'effectuer un recours (arrêté du 23 mars 1993, BOEN n°16 du 13 mai 1993). Il est à noter que la soutenance de la thèse doit en fait s'effectuer au plus tard avant la réunion de la commission de la section du CNU. Un numéro de qualification et un code secret personnel sont attribués et envoyés aux candidats qualifiés en même temps que leur attestation de qualification.

    * Candidatures locales [arrêté du 5 mars 1993, publié au Bulletin officiel de l'éducation nationale n°10 du 11 mars]. Les postes de Maître de Conférences sont publiés au Bulletin officiel de l'éducation nationale (consultables dans les bibliothèques universitaires). Il faut alors se renseigner sur le "profil" des postes auprès des établissements universitaires (UFR, IUT…), puis établir deux dossiers pour chaque candidature sur un poste.

    - Le premier, administratif est destiné au rectorat dont dépend l'établissement affectataire de l'emploi postulé.

    - Le second doit parvenir à l'établissement concerné. Il comprend des documents administratifs destinés au chef d'établissement et deux dossiers pour les rapporteurs de la commission de spécialistes qui auditionne le candidat.

    La date limite de dépôt de ces deux dossiers, fixée initialement au 9 avril, a été repoussée au 22 avril, puis finalement au 14 mai.

    Il est fortement conseillé de se déplacer dans les établissements pour remettre les dossiers si l'on veut s'assurer qu'il ne manque aucune pièce mais surtout afin de rencontrer les enseignants-chercheurs de l'établissement.

    Les candidatures sont ensuite examinées par une commission de spécialistes au niveau de chaque université (on peut demander la composition de cette commission auprès du service du personnel enseignant des universités). Elle auditionne les candidats retenus lors de cette première sélection (pour les postes d'IUT, normalement tous les candidats sont convoqués). Ces auditions se déroulent dans les trois premières semaines de juin. La commission établit ensuite un classement d'au maximum cinq noms pour chaque poste. Les résultats paraîtront sur minitel (36-14 EDUTELPLUS mot clé DPES) début juillet. Les candidats y ont accès grâce à leur code personnel. Ils doivent alors exprimer ses voeux par rapport aux résultats qu'il a obtenus par ordre de préférence avant le 18 juillet.

    Les candidats qui n'ont pas accès à un minitel avant le 18 juillet, peuvent adresser un courrier à la Direction des personnels d'enseignement supérieur -61-65, rue DUTOT- 75015 PARIS, de préférence par lettre recommandée avec accusé de réception. Il comprendra :

    - nom, prénom, date de naissance et adresse personnelle

    - numéro de qualification

    - les voeux d'affectation par ordre préférentiel décroissant. Pour chaque emploi, le nom de l'établissement, la nature (MCF), discipline (numéro de la section du CNU) et le numéro d'ordre de l'emploi

    - un engagement à occuper l'emploi sur lequel le candidat est susceptible d'être affecté.

    Les résultats définitifs des affectations seront consultables à partir du 28 juillet 1993 en se connectant au serveur 3615 EDUTELPLUS.

    Michel Cartereau



    J'ai fait une thèse de doctorat à Heidelberg

    Yves est Genevois, et après des études aux Etats Unis, il est allé faire sa thèse en Allemagne. Un regard sur la thèse chez nos voisin européens…

    Il parait que les Suisses sont pointilleux dans leurs tracasseries administratives. Eh bien, même pour un Suisse, aller travailler pour une université allemande comme doctorant, et par-dessus le marché faire des missions au CERN à Genève (d'où je viens quoi), ça a de quoi vous dégoûter tant votre cas "très spécial" et bizarre et "nicht normal" est malmené par les Beamter et leur kolossal Diszipline. M'enfin, il parait qu'on n'est pas européen, alors…

    Ensuite, il ne faut pas être trop friand en ce qui concerne le salaire : l'argent est plutôt utilisé pour autre chose. Il est de coutume de payer deux doctorants avec un poste, et en ces périodes de crise, certains esclavagistes n'hésitent pas à engager trois personnes avec un seul salaire ! Il faut se rattraper sur les frais de mission si on veut "tourner" décemment.

    A part ces quelques détails matériels, les doctorats en physique sont de très bon niveau. Lorsqu'un Allemand commence sa thèse, il a en général derrière lui un travail de diplôme dans un domaine proche, sinon identique, d'une durée de 15 mois. Il est donc très bien préparé et peut se consacrer à une recherche originale. La thèse prend en moyenne trois ans -on ne traîne pas trop, car le salaire est maigre et l'âge avance (moyenne pour le diplôme : environ 13 semestres !). Durant les périodes de cours à l'université, la charge d'assistanat (travaux pratiques, exercices) est d'environ 30%. En général (c'est la coutume à Heidelberg) les doctorants sont dispensés pendant leur dernier semestre (rédaction de la thèse). Pour l'obtention du doctorat (Promotion), la thèse (Dissertation) doit être acceptée par deux experts (Gutachter) - en général le Professeur de thèse plus un autre professeur " choix- puis il faut réussir l'examen oral (Prüfung). Les modalités et la difficulté de celui-ci diffèrent d'une université à l'autre. A Heidelberg, ça dure environ une heure, à huit clos, avec trois professeurs dans le domaine concerné, plus un quatrième pour la branche annexe (qui a le choix). Le candidat dispose de dix minutes pour présenter son travail, puis les questions commencent. Très spécifiques à la thèse au début, elles deviennent vite générales en restant dans les limites du domaine concerné (e.g. la physique des particules élémentaires). Il est rare de rater son examen, mais c'est arrivé. Si elle est acceptée, la thèse a le plus gros poids pour l'attribution de la note finale, mais c'est l'examen qui fera basculer celle-ci vers le "plus" ou le "moins". Les "félicitations du jury" sont distribuées avec parcimonie.

    Les physiciens allemands travaillent bien, mais là-bas on ne rigole pas. Les relations professionnelles sont plutôt formelles (trop, à mon goût). Les allemands en général ? Tellement organisés que TOUT est réglementé. Ca devient parfois étouffant. Question bouffe, ça reste des barbares.

    Peut-être qu'une thèse en Suisse -bonne chance pour trouver une place ! - est plus attrayante. Les copains qui ont choisi cette option prennent tout leur temps : les charges d'assistanat sont en général plus importantes, mais le salaire est plus que confortable.

    propos recueillis par Paul Colas




    Post-scriptum

    Il y a sept ans, un certain Alain Devaquet plongeait le C.N.R.S. dans un cauchemar prolongé qui a fait dire, aux plus mystiques des "reçus-collés" de cette année-là, que l'enfer était de droite. D'autres, défendant la cause de la recherche, se sont souvent heurtés à une incompréhension profonde de son rôle, y compris chez les personnes qui dispensent l'information, ce que sont censés être les journalistes. C'est à cette occasion que j'ai rédigé l'argumentaire qui suit, et qui était moins destiné à circuler qu'à me servir de mémento d'exemples frappants. La plupart d'entre eux sont empruntés à la physique, mais on peut facilement en trouver ailleurs d'aussi convaincants. Je publie ce texte dans le dernier numéro du Bulletin avec l'espoir qu'il apportera des arguments à ceux qui se trouvent confrontés ici ou là à la nécessité de justifier leur recherche dans des conversations avec des profanes à la bienveillance incertaine. Aucun de ces arguments n'est nouveau ni développé en détail, et l'ensemble n'est que l'ébauche d'un résumé disparate et incomplet. En dehors de la citation liminaire et de la note finale, le texte est celui de 1986.

    La recherche scientifique : pour quoi faire ?

    Richesse et savoir sont comme rose et narcisse
    Qui ne sauraient fleurir ensemble.

    Chahid de Balkh
    (homme de science et poète persan) IXè siècle

    Avant de répondre à cette question souvent débattue, il peut être utile de définir les deux termes essentiels : recherche, et scientifique. En effet, si la question fait si souvent l'objet de malentendus ou de fausses réponses, c'est en raison de la définition insuffisamment précise ou, au contraire, lourde de sous-entendus informulés, qu'on donne de ces deux termes. Comme on en a usé et abusé, il est devenu indispensable de les analyser à nouveau. Je commencerai par le second, de loin le plus pernicieux. Le prestige attaché à l'adjectif "scientifique" l'a souvent galvaudé et, en définitive, entièrement détourné de son sens. De nos jours, point d'étude astrologique, de sélection de candidats, ou même de décision politique qui, pour sa respectabilité, ne se qualifie de scientifique [1]. Or une science est avant tout une connaissance rationnelle ou intelligible. Dans son essence, elle n'est pas une pratique. Tout manuel de philosophie de l'enseignement secondaire contient une page sur "Science et technique". Cette dernière met à profit les connaissances, scientifiques ou empiriques, à des fins pratiques. Elle ne cherche pas à expliquer les phénomènes ni à comprendre les causes, mais bien à les exploiter à des fins utiles. Il existe évidemment des relations entre sciences et techniques et elles seront abordées plus loin. Mais les préoccupations sont radicalement différentes ; elles concernent respectivement les progrès de la connaissance et les progrès matériels. Ce qui n'empêche pas, comme le note Albert Jacquard [2], que "les apports conceptuels les plus nouveaux ont été camouflés par l'accumulation des succès de la technologie, qui se fait souvent passer pour la science".

    Passons à l'autre terme mis en jeu, "recherche". Il s'agit de chercher des connaissances nouvelles, qui ne se réduisent pas à des idées déjà connues. Comme on a opposé science et technique, on pourrait opposer recherche et développement. Développer un nouveau produit, un désherbant ou un transistor bipolaire par exemple, ce n'est pas faire de la recherche. C'est utiliser des idées et des méthodes bien connues, pour des applications pratiques spécifiques.

    Revenons maintenant à notre question de départ : à quoi sert la recherche scientifique ? La réponse est désormais simple : à rien. Elle n'est simplement pas faite pour servir. Son but est d'accroître le champ des connaissances pures, sans arrière-pensées utilitaires. Que la recherche scientifique puisse avoir des répercussions pratiques, cela est évident, mais ne doit en aucun cas constituer un critère. De même, l'image du chercheur scientifique comme une sorte d'inventeur génial un peu farfelu, et qui déposerait des brevets, est totalement erronée.

    Malgré son inutilité essentielle, l'intérêt propre de la recherche scientifique peut être clairement perçu par le non-spécialiste, tant en archéologie ou en ethnologie, domaines concrets qui touchent le grand public, qu'en biologie ou en astrophysique, où des thèmes comme le code génétique ou l'expansion de l'univers attirent et fascinent de nombreux curieux. Nous pouvons être enchantés par la visite d'un musée préhistorique, par la lecture de Lévi-Strauss, nous pouvons être passionnés par la neurobiologie ou la physique des particules, mais toutes ces activités ont besoin d'un financement, et elles ne rapportent évidemment rien (ou très peu). Cela simplement parce que la recherche scientifique ne peut pas être assujettie à des critères de rentabilité, ceux-là mêmes qu'on invoque, pas toujours de façon explicite, lorsqu'on fait des économies budgétaires. La France fait partie, selon une expression consacrée, "des sept pays les plus riches du monde": ne peut-elle consacrer une partie (déjà faible) de son budget à la recherche ? [3]

    Outre son intérêt propre, culturel pour ainsi dire, la recherche fondamentale est la condition nécessaire d'un progrès à long terme. L'extension des connaissances pures permet, à la longue, les progrès techniques et matériels. Longtemps, les techniques se sont développées empiriquement, mais la liaison est manifeste entre les progrès qu'elles ont accomplis depuis deux ou trois siècles et ceux des sciences expérimentales. L'exemple classique de la découverte de l'équivalence masse-énergie (E = mc2) par Einstein en 1908, a passé pendant longtemps pour une élucubration abstraite de physicien théoricien ; elle a eu, bien après, des conséquences concrètes sur lesquelles il est inutile d'insister. De même, si l'on observe rétrospectivement le développement de la physique atomique depuis 1900, il a dû paraître complexe, terriblement spéculatif (mécanique quantique) et stérile aux responsables des instituts de recherche gouvernementaux de l'époque. Bien des "savants" se sont demandés eux-mêmes si leurs travaux (leurs tâtonnements) ne les menaient pas vers une impasse. Quand on cherche, par définition ou presque, on n'est pas sûr de trouver. Et pourtant, sans cette physique atomique spéculative, le transistor et toute l'électronique actuelle n'existeraient pas...

    De tels exemples peuvent être multipliés à l'infini et le phénomène n'est pas récent. Il suffit d'ouvrir un livre de 1935 pour trouver la remarque que "le développement des industries résulte en général de l'accumulation d'un nombre considérable de recherches indépendantes, poursuivies le plus souvent sans aucune préoccupation de leurs applications éventuelles et échelonnées sur un temps parfois très long. Il est en général impossible de faire l'historique exact d'une découverte industrielle tant il est complexe. On perd bien vite le souvenir de tous les savants dont les travaux ont été mis en oeuvre" [4]. Cela signifie que les retombées de la recherche fondamentale, non seulement se font à long terme, mais encore sont très indirectes. Penser qu'on peut orienter une recherche témoigne le plus souvent d'une méconnaissance de la dynamique complexe de la recherche scientifique. Si les sommes [5] dépensées par Einstein et les physiciens de l'époque avaient été affectées à l'amélioration de la production d'énergie, les centrales électriques d'aujourd'hui comprendraient des machines à vapeur qui frôleraient la perfection absolue... Comme le rappelle Weisskopf, faire des prédictions est difficile, surtout quand elles concernent le futur : un certain nombre d'experts-technocrates devraient réunir une table ronde sur la question.

    J'ai voulu montrer, avec ces quelques exemples, que la recherche scientifique n'avait rien à faire de critères utilitaires, et qu'elle devait être financée sur la base de l'inutilité. On voudra sans doute savoir qui va s'occuper de l'utile immédiat, si ce ne sont pas les chercheurs du C.N.R.S. La réponse n'est pas difficile. La France produit chaque année plus de dix mille ingénieurs diplômés, électroniciens, mécaniciens, chimistes, agronomes... sans compter les techniciens. A elle seule, l'Ecole Polytechnique produit plus d'ingénieurs que le C.N.R.S. ne recrute de chercheurs en sciences physiques et mathématiques. Laissons-leur donc, comme leur formation les y dispose, le soin de faire progresser les techniques et les technologies. La fonction des chercheurs scientifiques est tout autre.

    1 A. Grothendiek, "La nouvelle église universelle", in Pourquoi la mathématique ?, 10/18, Paris 1974.

    2 A. Jacquard, Au péril de la science - Interrogations d'un généticien, Seuil, Paris 1982, page 13.

    3 Le rapport du C.S.R.T. (Conseil supérieur de la recherche et de la technologie) de 1986 comparait la France, les Etats-Unis, l'Allemagne fédérale et le Japon quant au nombre de chercheurs pour 1000 habitants. La France arrive bonne dernière.

    4 Henry Le Chatelier, L'industrie, la science et l'organisation au XXè siècle, Dunod, Paris 1935.

    5 Selon une estimation du M.I.T. (Massachusetts Institute of Technology), le coût total de la recherche fondamentale, d'Archimède à nos jours, est inférieur à 10 jours de la production industrielle de 1988. Cité par Victor F. Weisskopf, The privilege of being a physicist, W. H. Freeman and Co, New-York 1989, page 4. [Note ajoutée en 1993]

    Eric Bringuier


    Listes de qualification aux fonctions
    de Maître de Conférences de l'année 1992

    (la colonne de droite donne pour indication le nombre de postes parus cette année pour chaque section)

    n° de la section Titre de la section
    candidats
    inscrits
    %
    postes
    1993
    01Droit privé et sciences criminelles 2837526,50 124
    02Droit public220 7534,0977
    03Histoire du droit et des institutions 401025,00 21
    04Science politique181 3720,4419
    05Science économique générale 39816140,45 130(1)
    06Sciences de gestion 3329027,11 171(2)
    07Sciences du langage : linguistique et phonétique générales 25520279,22 49
    08Langues et littératures anciennes 533871,70 18
    09Langue et littérature françaises 41427967,39 79
    10Littératures comparées 1365039,76 13
    11Langues et littératures anglaises et anglo-saxonnes 2138539,91 140
    12Langues et littératures germaniques et scandinaves 875563,22 40
    13Langues et littératures slaves 331751,52 3
    14Langues et littératures romanes : espagnol, italien, portugais, autres langues romanes 1709455,29 76
    15Langues et littératures arabes, chinoises, japonaise, hébra
  • ques, d'autres domaines linguistiques
  • 14812886,49 24
    16Psychologie, psychologie clinique, psychologie sociale 32314645,20 77
    17Philosophie157 3321,0224
    18Arts : plastiques, du spectacle, musique, esthétique, sciences de l'art 19810754,04 27
    19Sociologie, démographie 34313338,78 49
    20Anthropologie, ethnologie, préhistoire 1768850,00 3
    21Histoire et civilisations : histoire et archéologie des mondes anciens et des mondes médiévaux ; de l'art 16011169,38 58
    22Histoire et civilisations : histoire des mondes modernes, histoire du monde contemporain ; de l'art ; de la musique 40323758,81 82
    23Géographie physique, humaine, économique et régionale 19212163,02 56
    24Aménagement de l'espace, urbanisme 1225746,72 10
    25Mathématiques 40221052,24 89
    26Mathématiques appliquées et applications des mathématiques 44528263,37 75
    27Informatique515 30158,45162
    28Milieux denses et matériaux 53633161,75 89
    29Constituants élémentaires 1518958,94 13
    30Milieux dilués et optique 22315774,40 30
    31Chimie théorique, physique analytique 42428567,22 45
    32Chimie organique, minérale, industrielle 55841474,19 73
    33Chimie des matériaux 32320463,16 35
    34Astronomie, astrophysique 683652,94 8
    35Physique et chimie de la terre 17712771,75 32
    36Géologie et paléontologie 18512366,49 5
    37Météorologie, océanographie physique
    et physique de l'environnement
    885056,82 8
    60Mécanique, génie mécanique et génie civil 50430259,92 112
    61Génie informatique, automatique et traitement du signal 41524559,04 106
    62Energétique, génie des procédés 31922570,53 60
    63Electronique, optronique et systèmes 44924153,67 115
    64Biochimie et biologie moléculaire 58036062,07 63
    65Biologie cellulaire 49930761,52 41
    66Physiologie355 22262,5431
    67Biologie des populations et écologie 27212646,32 20
    68Biologie des organismes 22617376,55 18
    69Neurosciences139 7654,6814
    39Sciences physico-chimiques et technologies pharmaceutiques 1598754,72 15
    40Sciences du médicament 21711954,84 25
    41Sciences biologiques 33616749,70 25
    70Sciences de l'éducation 28610737,41 38
    71Sciences de l'information et de la communication 2878931,01 46
    72Epistémologie, histoire des sciences et des techniques 472246,81 5
    73Cultures et langues régionales 231565,22 1
    74Sciences et techniques des activités physiques et sportives 1165950,86 43
    Théologie catholique 4250



    (1) publiés au BOEN n°17 du 20 mai 1993

    (2) publiés au BOEN n°15 du 6 mai 1993

    Dans le BOEN n° 14 du 29 avril 1993, plusieurs postes ont été ajoutés et d'autres supprimés


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